# La torture invisible : le contrÎle mental et la cyber-torture face à l'indifférence mondiale
PubliĂ© le 11/07/2025 Par RaĂșl Allain

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Il existe une forme de torture qui ne laisse aucune trace visible, mais qui détruit silencieusement l'esprit, le corps et l'identité de ceux qui la subissent. Une violence si sophistiquée qu'elle se confond avec la paranoïa ou la maladie mentale. Je parle du contrÎle mental et de la cyber-torture : des phénomÚnes réels, documentés, et pourtant systématiquement niés par les structures du pouvoir et l'indifférence internationale.
Depuis des annĂ©es, **l'Organisation des Nations Unies** (ONU) reçoit des rapports de victimes qui affirment avoir Ă©tĂ© soumises Ă du harcĂšlement Ă©lectronique, Ă de la manipulation neuropsychologique et Ă une surveillance secrĂšte Ă l'aide de technologies avancĂ©es. Le _Rapporteur spĂ©cial sur la torture_ a reconnu que la dĂ©finition de la torture devait ĂȘtre adaptĂ©e aux nouvelles formes d'agression technologique. Et pourtant, un **mur de silence** continue de s'Ă©riger dĂšs que quelqu'un prononce le mot _cybertorture_.
Le terme n'apparaĂźt pas officiellement dans les traitĂ©s, mais son existence transparaĂźt dans les tĂ©moignages. Les victimes parlent de voix synthĂ©tiques qui envahissent leurs pensĂ©es, d'impulsions induites, de manipulation Ă©motionnelle Ă distance ou du sentiment constant d'ĂȘtre observĂ©es, mĂȘme dans l'intimitĂ© la plus absolue. Cela ressemble Ă de la science-fiction, et c'est peut-ĂȘtre pour cette raison qu'il a Ă©tĂ© si facile de le discrĂ©diter. Mais le fait que quelque chose semble invraisemblable ne le rend pas moins rĂ©el.
En tant que **sociologue**, j'ai appris Ă me mĂ©fier des consensus trop faciles. L'histoire regorge d'exemples de pratiques initialement rejetĂ©es, puis reconnues comme des violations flagrantes des droits humains. Les expĂ©riences **non consenties** sur des ĂȘtres humains, des camps de concentration nazis aux programmes secrets des services de renseignement pendant la guerre froide, montrent que la **frontiĂšre Ă©thique** de la science peut s'estomper avec une facilitĂ© alarmante.
Le **projet MK-Ultra**, par exemple, n'Ă©tait pas une thĂ©orie du complot, mais une opĂ©ration rĂ©elle documentĂ©e par la CIA dans les annĂ©es 50 et 60. Son objectif : explorer les techniques de contrĂŽle mental par le biais de drogues, de l'hypnose et de la stimulation sensorielle extrĂȘme. Lorsque certains documents ont Ă©tĂ© dĂ©classifiĂ©s dans les annĂ©es 70, le monde n'a dĂ©couvert qu'une fraction de l'horreur. Ce projet Ă©tait un prĂ©lude Ă ce que certains chercheurs dĂ©crivent aujourd'hui comme la « neuromodulation Ă distance » : l'utilisation de technologies Ă micro-ondes, de frĂ©quences Ă©lectromagnĂ©tiques et de nanodispositifs pour modifier l'activitĂ© cĂ©rĂ©brale ou le **comportement humain**.
ExagĂ©ration ? Peut-ĂȘtre. Mais refuser d'enquĂȘter de maniĂšre approfondie serait, au mieux, irresponsable. Au pire, complice.
En 2019, l'ONU a reçu un rapport du _Rapporteur spĂ©cial sur la torture_, Nils Melzer, dans lequel il avertissait que l'utilisation de technologies neuro-dirigĂ©es Ă des fins coercitives devait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une forme de torture. Melzer, connu pour son travail en faveur de Julian Assange, a soulignĂ© que la **manipulation psychologique systĂ©matique** peut ĂȘtre aussi dĂ©vastatrice que la douleur physique. DerriĂšre cette observation se cache quelque chose de plus profond : la reconnaissance que la conscience humaine pourrait devenir le champ de bataille du XXIe siĂšcle.
J'ai discutĂ© avec des personnes qui affirment avoir Ă©tĂ© victimes de contrĂŽle mental. Elles ne sont ni dĂ©lirantes ni mystiques. Ce sont des professionnels, des Ă©tudiants, des travailleurs ordinaires qui ont commencĂ© Ă remarquer des schĂ©mas inquiĂ©tants : harcĂšlement numĂ©rique, surveillance constante, messages subliminaux sur les rĂ©seaux sociaux, interfĂ©rences dans leurs appareils. Certaines se sont isolĂ©es, incapables d'expliquer ce qu'elles vivent sans ĂȘtre jugĂ©es. D'autres se sont organisĂ©es en communautĂ©s de soutien, comme l'International Coalition Against Electronic Torture and the Robotisation of Living Beings (ICATOR), qui **dĂ©nonce** depuis des annĂ©es auprĂšs des Nations unies l'existence de technologies de harcĂšlement neuroĂ©lectronique.
Ă Lima, j'ai rencontrĂ© des cas similaires : des personnes qui rapportent entendre des « voix » ciblĂ©es, ressentir des dĂ©charges internes ou faire des rĂȘves induits aprĂšs avoir fait l'objet d'une surveillance ou de conflits politiques. Certains ont Ă©tĂ© diagnostiquĂ©s comme schizophrĂšnes, d'autres ont simplement Ă©tĂ© rĂ©duits au silence. Et mĂȘme si tous les cas ne peuvent pas avoir une origine technologique, la **coĂŻncidence** des descriptions devrait suffire Ă motiver une enquĂȘte scientifique sĂ©rieuse et transparente.
Le problĂšme, bien sĂ»r, est que les frontiĂšres entre technologie, santĂ© mentale et pouvoir politique sont devenues floues. Les Ătats et les entreprises technologiques disposent d'outils de **surveillance inimaginables** il y a seulement deux dĂ©cennies. Les algorithmes en savent plus sur nous que nous-mĂȘmes. L'intelligence artificielle peut imiter les voix, les Ă©motions et mĂȘme les intentions. Qui garantit que ces systĂšmes ne sont pas utilisĂ©s â ou ne sont pas dĂ©jĂ utilisĂ©s â pour **manipuler la perception** collective ou individuelle ?
La cyber-torture, plus qu'un simple abus, représente la **déshumanisation ultime**. Il ne s'agit plus de soumettre des corps, mais des consciences. C'est une torture sans contact physique, mais aux effets dévastateurs : insomnie, paranoïa induite, perte du sens de soi, désespoir appris. Dans la pratique, elle transforme les victimes en prisonniers mentaux.
Le plus alarmant est le vide juridique. Les conventions internationales sur les droits de l'homme, y compris la Convention contre la torture des Nations unies, ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©es avant l'essor des neurotechnologies. Elles n'envisagent pas la possibilitĂ© qu'une personne puisse ĂȘtre torturĂ©e sans ĂȘtre touchĂ©e. Le droit international est restĂ© ancrĂ© dans le XXe siĂšcle, tandis que les technologies du XXIe siĂšcle progressent sans **rĂ©glementation efficace**.
En 2020, l'Union europĂ©enne a commencĂ© Ă dĂ©battre des limites Ă©thiques des « neurosciences appliquĂ©es ». Des organismes tels que le _Human Brain Project_ ont averti que la manipulation cĂ©rĂ©brale pourrait ĂȘtre utilisĂ©e Ă des fins coercitives. Cependant, les **avertissements scientifiques** parviennent rarement au grand public. Le dĂ©bat sur la cybertorture reste marginal, et ceux qui le dĂ©noncent sont facilement ridiculisĂ©s ou rĂ©duits au silence.
Ce n'est pas un hasard. Le dĂ©ni fait partie du mĂ©canisme. Tout au long de l'histoire, les systĂšmes de contrĂŽle ont dĂ©pendu de l'**incrĂ©dulitĂ© des masses**. L'invisible devient impuni. Et pendant ce temps, les victimes continuent d'ĂȘtre traitĂ©es comme des malades mentaux, ce qui constitue une deuxiĂšme forme de violence : la violence institutionnelle.
Je me souviens d'une femme, mĂšre de deux enfants, qui m'a racontĂ© en larmes comment son environnement a commencĂ© Ă s'effondrer aprĂšs avoir participĂ© Ă des manifestations sociales. « Je ne pouvais plus dormir. J'entendais des voix, mais ce n'Ă©taient pas celles de mon esprit. Elles changeaient de ton, rĂ©pondaient Ă mes pensĂ©es. Mes appareils s'allumaient tout seuls. Je pensais que je devenais folle, jusqu'Ă ce que d'autres personnes commencent Ă me raconter des choses similaires ». Cette phrase â « je pensais que je devenais folle » â revient comme un Ă©cho dans les tĂ©moignages des **victimes de cyber-torture**. L'angoisse de ne pas pouvoir prouver sa propre souffrance.
La technologie, qui était à l'origine une promesse de liberté, est devenue une nouvelle forme d'esclavage. Et le plus pervers, c'est que cet esclavage est invisible. Il n'y a pas de barreaux, pas d'interrogateurs dans des piÚces sombres. Seulement une série d'impulsions, de fréquences et d'algorithmes capables de pénétrer l'espace le plus intime : **l'esprit**.
L'ONU a une responsabilité incontournable. Elle ne peut continuer à **ignorer** les dénonciations sous prétexte qu'elles sont « invérifiables ». Le fait qu'une chose soit difficile à prouver ne signifie pas qu'elle n'existe pas. Lorsque les chambres à gaz faisaient l'objet de rumeurs, on disait également que c'était impossible. Lorsque les dictatures latino-américaines niaient l'existence de disparus, on disait également que c'étaient des exagérations. Le schéma se répÚte : d'abord le déni, puis l'**acceptation tardive**, quand il est déjà trop tard.
Le contrÎle mental et la cyber-torture représentent le nouveau visage du **totalitarisme**. Un totalitarisme sans idéologie visible, sans armée ni camps de concentration, mais capable d'infiltrer les pensées, de modeler les émotions et d'annuler la volonté. Si ce n'est pas de la torture, qu'est-ce que c'est ?
Dans un monde oĂč la surveillance de masse est devenue la norme â du traçage numĂ©rique Ă la biomĂ©trie quotidienne â, le risque que ces 1technologies soient utilisĂ©es Ă des fins coercitives est rĂ©el. Il ne s'agit pas de futurisme ou de paranoĂŻa, mais de pouvoir. Tout pouvoir tend Ă s'Ă©tendre s'il n'est pas limitĂ©.
La cyber-torture doit ĂȘtre officiellement reconnue comme un **crime contre l'humanitĂ©**. L'ONU doit crĂ©er un groupe de travail interdisciplinaire, composĂ© de scientifiques indĂ©pendants, de dĂ©fenseurs des droits humains et de victimes, afin d'enquĂȘter sur les allĂ©gations de manipulation neuroĂ©lectronique. Et les Ătats doivent adopter des lois interdisant le dĂ©veloppement et l'utilisation de technologies de contrĂŽle mental sans consentement.
Les discours sur l'éthique technologique ne suffisent pas. Il faut un cadre juridique qui défende la souveraineté de l'esprit humain. Car l'esprit est, en fin de compte, le dernier territoire libre qui nous reste.
Je m'inquiĂšte du silence des universitaires et des mĂ©dias. La presse, si prompte Ă couvrir les scandales politiques ou les futilitĂ©s virales, Ă©vite de parler de cyber-torture. Peut-ĂȘtre par crainte de perdre sa **crĂ©dibilitĂ©**, peut-ĂȘtre parce que les mĂ©canismes de contrĂŽle opĂšrent Ă©galement dans les espaces de communication. Mais le journalisme, s'il veut rester un exercice de vĂ©ritĂ©, doit avoir le courage de regarder ce que personne ne veut voir.
Les sociologues ont coutume de dire que la réalité n'est pas ce qui se passe, mais ce que la société accepte comme réel. Si nous acceptons la cyber-torture comme un simple fantasme, nous contribuons à la perpétuer. Si nous la reconnaissons comme une **menace concrÚte**, nous pouvons commencer à la combattre. La différence entre ces deux positions est la ligne qui sépare l'ignorance de la responsabilité.
En fin de compte, la question n'est pas de savoir si le contrĂŽle mental existe, mais jusqu'Ă quel point nous sommes prĂȘts Ă admettre que la technologie a dĂ©passĂ© notre capacitĂ© Ă©thique. L'histoire nous jugera pour ce que nous refusons de voir.
La torture du XXIe siĂšcle ne laisse pas de cicatrices sur la peau, mais dans la **conscience**. Et tant que nous continuerons Ă nier son existence, nous permettrons Ă l'esprit humain â cet espace sacrĂ© de libertĂ© intĂ©rieure â de devenir le nouveau champ de bataille du pouvoir.
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**Références**
- Melzer, Nils. _Rapport du Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants_, Nations Unies, 2019.
- Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. _Technologies émergentes et droits de l'homme_, GenÚve, 2020.
- Marks, John. _The Search for the « Manchurian Candidate » : The CIA and Mind Control_. W.W. Norton, 1979.
- ICATOR (Coalition internationale contre la torture Ă©lectronique et la robotisation des ĂȘtres vivants). _PĂ©tition adressĂ©e aux Nations Unies_, 2021.
- Parlement europĂ©en. _Ăthique des neurotechnologies et droits de l'homme_, 2020.
Source:

Lima Gris
La tortura invisible: el control mental y la cibertortura ante la indiferencia global
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