La révolution marginale des années 1870 transforme la compréhension économique de la valeur. Après la théorie de la valeur-travail des classiques, Carl Menger, fondateur de l’école autrichienne, affirme que la valeur n’est pas objective mais subjective : « la valeur n’existe pas en dehors de la conscience humaine ». Selon lui, un bien n’a pas de valeur intrinsèque : sa valeur dépend de l’évaluation mentale qu’un individu fait de l’utilité qu’une unité supplémentaire de ce bien lui apporte. C’est pourquoi la valeur varie selon les circonstances — par exemple, un litre d’eau vaut très peu pour une personne chez elle, mais presque infiniment pour quelqu’un mourant de soif dans le désert. Cette approche conduit Menger à expliquer que l’échange volontaire est toujours un jeu à somme positive : deux individus échangent uniquement s’ils pensent y gagner subjectivement, sans qu’il existe une équivalence objective entre les biens échangés. Il souligne aussi que la valeur est ordinale et non mesurable : on classe ses préférences (A avant B), sans pouvoir leur attribuer une mesure objective. Cette conception permet d’expliquer les comportements économiques réels, contrairement aux modèles qui traitent l’utilité comme un chiffre. Sur cette base, les autrichiens développent une analyse de la division du travail : comme chacun possède des avantages absolus ou comparatifs, il est plus productif de se spécialiser. Cette spécialisation, combinée à l’échange volontaire, augmente l’utilité de chacun et constitue, selon Mises, la base même de la coopération sociale. Enfin, Menger montre que l’échange direct est inefficace, préparant ainsi l’explication de l’émergence de la monnaie comme solution économique. Notes #HashEcon
Le fonctionnement du système monétaire moderne repose sur la banque à réserves fractionnaires, dans laquelle les banques ne conservent qu’une petite partie des dépôts. Elles créent la monnaie lorsqu’elles accordent un prêt — en inscrivant simultanément un dépôt comme passif et un prêt comme actif — et la détruisent lorsque ce prêt est remboursé. Ce mécanisme rend le système intrinsèquement fragile : une ruée bancaire peut suffire à provoquer l’effondrement d’une institution incapable de restituer tous les dépôts. Cette vulnérabilité a conduit à la création des banques centrales, dont le rôle est d’assurer la liquidité, de servir de prêteur en dernier ressort et de stabiliser le système via les taux directeurs et des outils non conventionnels comme l’assouplissement quantitatif (QE). La crise de 2008 illustre la fragilité de ce modèle : la faillite de Lehman Brothers a déclenché une panique mondiale. Les autorités monétaires ont répondu par des taux d’intérêt nuls et des programmes massifs de QE. Si ces mesures ont soutenu les marchés financiers, elles ont eu peu d’effet sur l’économie réelle. Elles ont au contraire amplifié les inégalités en gonflant la valeur des actifs détenus par les plus aisés, un phénomène expliqué par l’effet Cantillon : les premiers bénéficiaires de la nouvelle monnaie — banques, investisseurs, propriétaires d’actifs — s’enrichissent, tandis que les travailleurs et les épargnants subissent une érosion de leur pouvoir d’achat. Les politiques de taux zéro (ZIRP) ont, en outre, réduit les marges des banques, les incitant à financer principalement des actifs existants plutôt que l’innovation. Elles ont également encouragé les gouvernements à s’endetter massivement, le coût de la dette devenant presque nul. Aujourd’hui, le système se trouve dans une impasse : l’inflation post-COVID oblige à relever les taux, mais ce resserrement menace la solvabilité des États très endettés, des banques fragiles, ainsi que de ménages déjà sous pression. Dans ce contexte, Bitcoin apparaît comme une alternative possible, car il échappe à la création monétaire discrétionnaire en reposant sur une offre fixe et des règles prévisibles. Toutefois, comprendre pleinement ses implications nécessite une base en économie autrichienne, qui analyse la valeur, le rôle de la monnaie, la structure du capital, les cycles économiques et les limites du calcul centralisé. Ces enjeux s’inscrivent dans une critique plus large du système monétaire actuel, résumée par des figures emblématiques : — Comme l’écrit Satoshi Nakamoto, « le problème fondamental avec la monnaie conventionnelle est toute la confiance qui est nécessaire pour la faire fonctionner. » — Henry Ford ajoutait que si le public comprenait réellement le système bancaire, « il y aurait une révolution avant demain matin. » — Et John Maynard Keynes rappelait que les gouvernements peuvent « confisquer la richesse du peuple en secret » grâce au fonctionnement de ce même système. Notes #HashEcon
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