Comment reconnaître une institution de l'ancien règime qui lutte pour sa survie dans l'ère du numérique?
Par sa guerre déclarée contre l'anonymat.
En Suissr, c'est la Finma qui mène l'attaque. En Allemagne, c'est le gouvernement lui-même.
Quand une institution attaque les citoyens qu'elle doit servir, c'est le signe de la fin de cette institution.
https://www.ccc.de/en/updates/2024/biometrischer-uberwachungsexzess-der-bundesregierung
Affaire FINMA: voici la dernière conférence en français sur l'affaire de la FINMA devant le Tribunal Administratif Fédéral. Vous aurez beaucoup de détails croustillants dedans.
Une discussion sur le thème: « Être anonyme pour être plus libre, un concept encore possible (voir souhaitable...) au coeur de la transformation numérique ? »
On ne fait qu’effleurer de nombreux sujets de la révolution numérique, mais j'ai vraiment eu plaisir à faire cette interview.
Laissez moi vos commentaires ci-dessous!
La révolte gronde contre les régulateurs financiers.
S'ils ont perdu leur crédibilté auprès des gens actifs dans la "crypto", la population pense encore qu'ils font un bon boulot.
Nous devons révéler ce qu'ils font, à quel point ils agissent de manière anti-démocratique.
Le droit à la propriété des objets numériques
Enfin, le dernier droit naturel issu de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 concerne la propriété, droit qui est complètement inexistant sur le plan numérique. Pourtant on assiste à l’émergence d’objets numériques ayant une existence intrinsèque, comme c’est le cas des cryptomonnaies. Si quelqu’un se fait voler des unités de cryptomonnaie, la plupart des législations européennes n’appliquent pas des notions de vol mais plutôt le principe général d’un accès indu à un système informatique. Or les personnes qui se font subtiliser leurs cryptomonnaies éprouvent bel et bien le sentiment d’avoir été volées.
En droit français, La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. En droit suisse, Le propriétaire d’une chose a le droit d’en disposer librement, dans les limites de la loi. On voit bien aujourd’hui l’émergence d’objets numériques, puisqu’une cryptomonnaie est un bien dont la possession permet d’en jouir directement et de manière absolue. Lorsqu’on dépense un bitcoin, on en cède la propriété. Les jetons, ou tokens, sont également des objets numériques qui permettent par exemple de posséder un droit au sein d’une entreprise. On notera l’expérience des CryptoPunks, des pièces de collection uniques au nombre de 10000, créées à partir d’un algorithme cryptographique qui rend chaque CryptoPunk unique en son genre. C’est de l’art cryptographique. Ils peuvent être achetés et une preuve de propriété est décernée à chaque acquéreur au moyen de la blockchain Ethereum. Ce droit de propriété sur les CryptoPunks est vérifiable dans la blockchain. Comme pour n’importe quel objet, la possession d’un tel CryptoPunk s’accompagne de la possibilité de le donner, de l’échanger ou de le vendre. Il est donc indispensable que le droit de propriété traditionnel s’applique également pour ces objets numériques.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
Le droit à la sûreté et le droit à la résistance à l’oppression
Le droit naturel à la sûreté est lié au droit à la résistance à l’oppression, même si ce dernier n’apparait pas dans l’actuelle Convention européenne des droits de l’homme. Ce principe représente un garde-fou indispensable contre l’arbitraire du pouvoir. Les êtres humains ont droit à la sûreté, ils doivent également avoir le droit à la résistance à l’oppression. Bien que cette notion ait quelque peu été oubliée avec le temps dans le confort de nos démocraties, elle doit redevenir fondamentale dans la société numérique. Dans une société qui se construit, les abus des États contre l’intégrité des citoyens sont tellement nombreux et pourtant presques invisibles. Lorsqu’un État participe à un échange automatique de données personnelles, il commet en réalité un crime massif envers sa population. Face à des abus, l’utilisation de failles sécuritaires techniques ou encore la surveillance de masse, le droit à la résistance à l’oppression doit être interprété comme le droit d’utiliser des technologies qui permettent aux individus de se soustraire à l’arbitraire. Ces technologies impliquent bien souvent une forme d’anonymat. Un tel droit est fondamental, parce qu’il garantit que tout être humain puisse veiller à se protéger des tentatives malveillantes de nuire à son intégrité. Par ailleurs, il doit trouver son application dans la société numérique à travers un droit humain supplémentaire rempart à l’arbitraire et à l’opression : le droit à ne pas être sujet à des traitements algorithmiques sans y avoir préalablement consenti de manière éclairée.
Cette nouvelle protection peut déjà trouver aujourd’hui des justifications lorsque certains États mettent en place des technologies algorithmiques pour prédire les crimes26. Des biais cognitifs apparaissent dans le fonctionnement de ces technologies. Il a été constaté que certaines populations, par exemple d’ethnies différentes, sont plus facilement visées par ces programmes informatiques. On comprend aisément pourquoi l’être humain doit impérativement pouvoir échapper à ces traitements. Appliquer de cette manière le droit à la sûreté permet de sacraliser une présomption d’innocence gravement menacée par des technologies recourant à des critères souvent discutables.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
Le droit à la liberté de circulation
La liberté de circulation est indissociable d’internet. On retrouve ce principe appliqué à travers la notion de neutralité du net25 qui se décline selon un principe de non-discrimination. Un fournisseur d’accès ne peut pas ralentir ou bloquer certains contenus pour en favoriser d’autres. Les opérateurs doivent traiter les paquets d’informations qui transitent sur leurs réseaux de façon équitable en restant neutre. Aujourd’hui, le combat pour promouvoir la notion de neutralité du net ne porte pas parce qu’il se cantonne à un principe technique. Il est politiquement très difficile à défendre et se heurte à de nombreuses résistances. Pour qu’il soit perçu comme pertinent et légitime, il faut l’inclure dans un droit plus large : celui de circuler librement. Cette liberté fondamentale de circulation sur internet pourrait se matérialiser dans un « droit d’accès au réseau » qui de facto impliquerait une notion de neutralité dans l’acheminement des informations. Un tel droit devrait aller de pair avec la capacité permanente et inaliénable de se déconnecter du réseau. La liberté de circuler doit s’appliquer dans tous les espaces de notre vie, physique et numérique.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
Les nouveaux droits de la société numérique
La reconnaissance de la vie numérique, c’est-à-dire une extension de l’existence physique des individus dans un nouvel espace au travers de leurs données, passe par la protection de l’intégrité numérique. Cette notion s’imbrique dans la consécration du droit à la vie, notamment garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Au même titre qu’il y a une intégrité physique et mentale, on doit considérer qu’il y a une intégrité numérique. Celle-ci doit être protégée car par nature elle peut être mise en danger par des comportements inadéquats.
Ainsi une réflexion sur les droits humains à l’aune de la société numérique peut être entreprise. Il n’existe pas de droits numériques. Nos droits acquis s’appliquent également à nos existences numériques. La mise en œuvre pratique du respect de ces droits doit évidemment prendre en compte les spécificités du nouvel espace dans lequel ces droits s’appliquent. Les réflexions qui suivent sont le fruit de quelques exemples et non d’une liste exhaustive. Il s’agit cependant d’un exercice indispensable pour faire émerger les contours d’une société numérique qui place au centre de sa considération les intérêts humains, la sensibilité de l’homme, sa vulnérabilité et ses libertés.
Pour entamer cette réflexion, rien de mieux que de revenir à l’essentiel : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui déclare à l’article 2 que le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression. Il faut bien évidemment comprendre l’ensemble des libertés consacrées par ladite déclaration universelle, liberté d’expression, de conscience, de religion mais aussi la libre circulation.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
L’apprentissage de la signature électronique
Une telle technologie a bien évidemment une contrepartie. Les utilisateurs du bitcoin la connaissent bien. Elle repose nécessairement sur la responsabilité de générer et gérer soi-même ses clés cryptographiques.
Un apprentissage de la signature électronique, similaire à celui de la signature manuscrite doit se faire par la société. Cet apprentissage se fera dans le temps et la douleur. L’État, s’il doit inscrire cet apprentissage dans les programmes scolaires, ne devrait pas se préoccuper de la plateforme ou des systèmes qui fournissent la signature électronique. Il devrait se contenter de fixer des standards non techniques pour que les signatures numériques suffisamment sophistiquées puissent être légalement valables. Surtout il devrait mettre en place un service de légalisation de signatures électroniques, à l’image de la procédure déjà existante pour la signature manuscrite.
Cette technologie implique une responsabilité individuelle accrue puisque la perte d’une clé privée entraîne l’inaccessibilité de tout ce qu’elle pouvait déchiffrer ou signer. Le vol de cette même clé privée permet de se faire passer pour la victime sans qu’il soit possible de déceler l’imposture. Le système actuel peut paraitre plus confortable. Si quelqu’un égare sa carte bancaire il pourra la bloquer et récupérer l’accès à son compte. Ses accès ne lui appartiennent pas en tant que tels, ils sont la propriété de la banque. Perdre sa clé privée d’un compte bitcoin entraine la perte pure et simple de ces bitcoins. La contrepartie d’un contrôle total sur ses données personnelles, à travers la cryptographie, consiste à s’organiser de façon à ne pas perdre la clé privée. Le gain en autonomie est cependant important. Ni un État, une entreprise ou un tiers ne peuvent influencer le fonctionnement d’une signature électronique.
La capacité de signer de façon manuscrite semble acquise pour la société. Pourtant elle émane d’un processus long et constamment renouvelé. Les enfants apprennent les rudiments de la lecture et de l’écriture à l’école. Ils apprennent par observation que certaines feuilles de papier peuvent avoir plus d’importance que d’autres parce qu’elles sont signées. Ils observent leurs parents signant des actes importants qui ont un impact dans leur vie. Et finalement, on leur demande de signer leurs premiers engagements. Les adolescents passent pour certains des heures à essayer de trouver la forme de leur signature qui évoluera avec leur maîtrise de l’écriture. Lorsque l’on demande en 2019 à quelqu’un « Qui vous a fourni votre signature manuscrite ? », la réponse semble évidente et la question déplacée. Il doit en être de même pour la signature électronique.
Une telle technologie, qui permettrait même de prouver quelque chose sans prendre le risque d’en divulguer le contenu réel, aurait une véritable influence sur l’organisation économique de la société. D’une part parce qu’elle induirait le développement d’une économie qui respecte l’intégrité numérique des individus, d’autre part parce qu’elle rendrait possible des usages aujourd’hui encore difficiles à imaginer. Il n’est bien sûr pas aisé de déterminer avec précision la forme que prendra l’économie de demain. La somme des savoirs induits par la maîtrise de la signature électronique façonnera des individus plus conscients des technologies et plus responsables. Tous ces exemples de projets et réflexions montrent que l’organisation économique à l’ère numérique pourrait se faire dans l’intérêt des individus et dans le respect des droits humains fondamentaux. C’est ce virage-là que doit prendre notre société.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey
La signature électronique et le vote
On peut d’ailleurs difficilement évoquer la signature électronique sans aborder quelque peu la question du vote électronique. Ce sujet est encore largement controversé. Bien que plusieurs États aient adopté des systèmes qui permettent aux citoyens de voter électroniquement, la méfiance à l’égard de l’outil est palpable. Le vote électronique est un outil essentiel en ce qu’il va permettre petit à petit de faciliter l’exercice de la démocratie, mais il ne s’agit pas non plus de l’imposer comme modèle unique.
Dans une société qui dispose d’individus capables de s’engager grâce à leur signature électronique, il est tout à fait concevable d’organiser un vote électronique. Comme pour l’infrastructure de la signature électronique, l’infrastructure du vote électronique doit exister en dehors de l’État. Les citoyens devraient être capables d’organiser un vote en dépit de la volonté de leur propre État. Cette caractéristique existe déjà avec le vote sur support papier et doit s’étendre aux tentatives existantes de vote électronique. Cette notion est fondamentale. Dans une démocratie saine, les citoyens doivent pouvoir exercer constamment une pression sur leurs institutions. Chaque votation doit être l’occasion parfois symbolique de faire renaître l’État et lui rappeler qu’il n’existe pas par lui-même. Il émane des citoyens et son but n’est que de les servir. Ainsi, toute votation organisée sur le serveur d’un État sera a priori suspecte. On peut donc imaginer qu’une votation s’organise sur un réseau décentralisé. De cette façon, la transparence du processus de vote sera garantie, ce qui est fondamental. De plus, le système de vote électronique ne sera la propriété de personne, ni de l’État, ni d’une entreprise privée, puisque basé sur des infrastructures libres maîtrisées par la population. Le rôle de l’autorité se limitera naturellement à la gestion du registre des votants et à la validation des résultats.
La ville de Zoug en Suisse est pionnière à cet égard. L’approche est révolutionnaire, non pas tant pour le vote, mais pour la mise en œuvre d’une identité numérique décentralisée, elle-même utilisée pour organiser un vote électronique. À terme, les techniques d’anonymisation du vote permettront d’atteindre la vérifiabilité universelle tant recherchée.
Le lien entre la signature et le vote électroniques ne réside pas uniquement dans le fait que la signature est indispensable à l’exercice du vote par internet. Le vote électronique est un moyen d’exprimer son opinion en tant que citoyen, de la même façon que la signature permet de s’engager contractuellement ou de signifier sa volonté. Ce sont des instruments indispensables dans le numérique. Le fait de pouvoir s’engager contractuellement ou voter numériquement modifiera en profondeur l’organisation de la société sur le plan des processus de décision comme sur le plan de l’économie. Ce sont des instruments qui octroient davantage d’autonomie aux individus dans leur vie en leur donnant en contrepartie la responsabilité de leurs choix. Transposer la signature et le vote sur le plan numérique est ainsi souhaitable et nécessaire du point de vue de l’individu.
Extrait de « Notre si précieuse intégrité numérique » par Alexis Roussel et Grégoire Barbey